Ma vie d’étudiante et tous ces autres hashtags
24 juillet 2019
Kuei ! Joly Louise nishinikatekun, ute au Cégep de Sept-Îles ni tshishkutimakun.
Kuei, je me nomme Joly Louise et je suis étudiante en Langues, lettres et communications. J’en suis à ma troisième année d’études au Cégep de Sept-Îles. Comme je suis ambassadrice des Premières nations, on m’a demandé si je voulais bien écrire un mot. Voici un aperçu de mon parcours autant personnel que scolaire. Bonne lecture !
Avant mon entrée au cégep, cela faisait 51 jours que j’étais sobre. 51 jours sans speed. 51 jours pour réapprendre à dormir, à manger. Réapprendre mon rôle de mère. Réapprendre à vivre, juste pour vivre.
Je sortais d’une dépression sévère et des années de consommation excessive et de multiples tentatives de suicide.
J’étais en guerre avec moi-même, en colère après mon corps. J’en voulais à la vie et ses millions de problèmes. Et le 29 juin, j’ai ouvert les yeux et j’ai dit « C’est assez de me battre contre moi-même. ».
En rentrant à l’école, je ne savais pas comment me sentir… j’étais nerveuse, apeurée, effrayée, petite et minuscule. Je me suis demandée : « Qu’est-ce qu’une fille comme moi fait ici ? Je ne connais personne. Ils vont rire de moi, de mon poids, de mes cheveux d’un pouce, de mes vêtements de bs, de, de, de toute. ». En marchant sur le trottoir, il y avait trois garçons derrière moi, et ils riaient. Ils riaient parce que l’un d’entre eux avaient ouvert mon sac à dos. Je savais qu’il y avait un garçon juste derrière moi, mais les yeux pleins d’eau, la gorge serrée, je ne me suis jamais retournée.
Au fil de ma première session, j’ai appris à connaître mes enseignants. Ils étaient disposés à m’écouter, à m’attendre et à me faire confiance. Je leur faisais part de mes doutes, de mes retards, de mon adaptation au cégep.
À ma deuxième session, j’ai compris ce que c’était vraiment « être étudiante ». J’ai compris ce que pouvait être un travail à remettre parce qu’honnêtement, j’étais presque toujours en retard (Ah ! la procrastination!).
Depuis que je suis retournée aux études à la session d’automne 2017, je suis le plus transparente possible avec mes enseignantes. Je leur parle de mes enfants, de ma routine, des mes défis, de mes devoirs (même de mes retards), de mon amour pour l’écriture, de ma réticence à la lecture, de tout !
Je leur partage mon rôle de mère parce que c’est ce que je suis avant d’être une étudiante. Je suis mère d’une fille neurotypique et d’un fils TSA, TDAH et trouble de langage. Je leur raconte nos péripéties et surtout nos défis, parce que concilier étude-famille peut être un vrai casse-tête et les enseignants le comprennent.
Et vous savez quoi ? Ils sont merveilleux. Ils comprennent ma réalité. Je les ai vu s’adapter.
Je ne sortais pas du secondaire lorsque je suis entrée ici. Je sortais de l’enfer de la drogue, d’une vie de débauche et d’embûche. Je sortais de ma tombe lorsque je suis venue ici.
Ils m’ont ouvert la porte et m’ont écoutée.
Le Cégep de Sept-Îles m’a réappris à vivre.
Aujourd’hui, j’entame ma dernière année au cégep. J’ai choisi ce cégep pour sa proximité et l’accessibilité aux services. Je suis restée parce que je me suis attachée à mes enseignants. Ils m’ont tellement poussée à continuer malgré tout ce que je pouvais vivre. Ils m’ont ouvert la porte et m’ont toujours admise malgré mes difficultés d’adaptation. Je les ai vu me regarder avec confiance alors que je doutais de moi.
Moi ? L’obèse ? Une droguée ? Comment pourrais-je continuer à avancer ? C’est ce que je me disais. Moi ? L’indienne et ses étiquettes… Et je me suis rendue compte que j’avais mis ces étiquettes seule, à chaque doute, à chaque peur, à chaque jour.
Et pourtant, aujourd’hui, je suis fière de moi. Je ne réalise pas qu’il ne me reste que deux sessions. Après tant d’années à me dévaloriser, me voilà aujourd’hui faire ce que j’aime le plus : apprendre et écrire.
Je décide d’enlever mes étiquettes parce qu’aujourd’hui j’ai plus de confiance qu’hier.
Aujourd’hui je suis fière, fière d’être tous ces hashtags :
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